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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 15.djvu/343

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que au Para que cette maladie est encore plus funeste aux habitans des missions nouvellement tirés des bois, et qui vont nus, qu’à ceux qui vivent depuis long-temps parmi les Portugais, et qui portent des habits. Les premiers, espèce d’animaux amphibies, aussi souvent dans l’eau que sur terre, endurcis depuis l’enfance aux injures de l’air, ont peut-être la peau plus compacte que celle des autres hommes ; et La Condamine est porté à croire que cette seule raison peut rendre pour eux l’éruption plus difficile. D’ailleurs l’habitude où ils sont de se frotter le corps de rocou, de genipa, et de diverses huiles grasses et épaisses, peut encore augmenter la difficulté. Cette dernière conjecture semble confirmée par une autre remarque : c’est que les esclaves nègres transportés d’Afrique, et qui ne sont pas dans le même usage, résistent mieux au mal que les naturels du pays. Un sauvage nouvellement sorti des bois est ordinairement un homme mort lorsqu’il est attaqué de cette maladie ; cependant une heureuse expérience a fait connaître qu’il n’en serait pas de même de la petite vérole artificielle, si cette méthode était une fois établie dans les missions ; et la raison de cette différence n’est pas aisée à trouver. La Condamine raconte que, quinze ou seize ans avant son arrivée au Para, un missionnaire carme, voyant tous les Indiens mourir l’un après l’autre, et tenant d’une gazette le secret de l’inoculation, qui faisait alors beaucoup de bruit en Europe, jugea qu’il pou-