Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/19

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à ses noires agitations, lui causa une aliénation de tous les sens, qui se changea bientôt en frénésie. Il mourut dans un accès de fureur.

La ville de Buénos-Ayres, née sous de si malheureux auspices, eut encore à lutter long-temps contre l’infortune. Alfonse de Cabrera, qui fut envoyé d’Espagne en qualité d’inspecteur, ne put empêcher que la famine n’y redevînt excessive. Dans l’intervalle, Salazar et Gonzales Mendoze, qui cherchaient Ayolas, arrivèrent au port de la Chandeleur, sans avoir pu se procurer la moindre information sur son sort. On leur dit qu’Irala était chez les Payaguas, nation voisine du fleuve ; ils s’y rendirent, et l’ayant rencontré, ils firent avec lui plusieurs courses qui ne furent pas plus utiles au succès de leur commission. Enfin ils prirent le parti de retourner à la Chandeleur, d’y attacher au tronc d’un arbre un écrit par lequel ils espéraient d’apprendre à don Jean d’Ayolas, s’il revenait dans le port, tout ce qu’il lui importait de savoir. Ils l’avertissaient surtout de se défier de la nation des Payaguas, dont ils avaient éprouvé la perfidie. On prétend qu’en effet il n’y en pas de plus dangereuse au monde, parce qu’elle sait allier des manières fort douces avec un naturel extrêmement féroce, et que jamais elle n’est plus caressante que lorsqu’elle médite une trahison.

En quittant le port de la Chandeleur, Mendoze et Salazar descendirent le fleuve jusqu’au-dessous de la branche septentrionale du Pil-