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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/266

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dans leur traitement une ressemblance d’un village à l’autre, qui semble partir d’un fonds de société, Léry commence par faire observer que, si l’on doit aller plus d’une fois au même village, il faut choisir le moussacat, c’est-à-dire le père de famille chez lequel on veut loger constamment, parce que celui auquel on s’est d’abord adressé s’offenserait beaucoup qu’on le quittât pour en prendre un autre. À l’arrivée du voyageur qui se présente à sa porte, il le presse de s’asseoir dans un lit de coton suspendu en l’air, où il le laisse quelque temps sans lui dire un mot : c’est pour se donner le temps d’assembler ses femmes qui viennent s’accroupir à terre, autour du lit, les deux mains sur leurs yeux. Bientôt elles laissent tomber des larmes de joie ; et, sans cesser de pleurer, elles adressent mille choses flatteuses à leur hôte. « Que tu es bon ! que tu as pris de peine à venir ! que tu es beau ! que tu es vaillant ! que nous t’avons d’obligation ! que tu nous fais de plaisir ! etc. » Si l’étranger veut donner bonne opinion de lui, il doit répondre par des marques d’attendrissement. Léry assure qu’il a vu des Français réellement attendris du spectacle pleurer aussi ; mais il conseille à ceux qui n’ont pas le cœur si tendre de jeter du moins quelques soupirs. Après cette première salutation, le moussacat, qui s’est retiré dans un coin de la cabane, affectant de faire une flèche, ou quelque autre ouvrage, comme s’il ignorait ce qui se passe, revient vers le lit,