Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 17.djvu/180

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soldats n’y trouvant aucune résistance, se mirent à les piller, et burent avec si peu de modération, qu’ils n’étaient plus en état de se tenir sur leurs pieds lorsqu’il fallut marcher à l’assaut. Il se trouvait dans le carénage une flûte de vingt-deux pièces de canon, et un vaisseau de roi de quarante-quatre, commandé par le marquis d’Amblimont, successeur du comte de Blénac au gouvernement général des îles. Ces deux bâtimens firent un si terrible feu sur ces ivrognes, qui tombaient à chaque pas, qu’ils en tuèrent plus de neuf cents. Leur chef fut du nombre. Le feu des vaisseaux, secondé par celui des palissades, força l’officier qui avait succédé au comte de Stirum de faire battre la retraite : il fit un épaulement avec les tonneaux que ses gens avaient vidés, pour mettre à couvert un reste de vivans et de blessés, et leur donner le temps de revenir de leur ivresse. Ruyter, qui vint à terre le soir, après avoir passé tout le jour à canonner ce rocher, fut extrêmement surpris de voir plus de quinze cents Hollandais tués ou blessés. Il prit aussitôt la résolution d’abandonner une si funeste entreprise et de faire embarquer le reste de son monde pendant la nuit.

Dans le même temps le gouverneur de l’île assemblait son conseil, où l’on résolut d’abandonner le fort, après avoir fait enclouer le canon, parce que, celui des ennemis ayant abattu la plus grande partie des retranchemens, il était à craindre qu’on ne pût résister à l’as-