Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ils le regardent comme l’auteur de tous les biens dont ils jouissent ; ils en parlent avec respect ; ils chantent ses louanges dans un hymne, d’un ton fort grave et même assez harmonieux ; mais leurs opinions sur sa nature sont si confuses, qu’on ne comprend rien à cette espèce de culte. Ils reconnaissent de même un être qu’ils appellent Ouittikka, et qu’ils représentent comme la source et l’instrument de toutes sortes de maux. Ils le redoutent beaucoup ; mais le voyageur anglais ne put découvrir s’ils lui rendent quelque hommage pour l’apaiser.

Quelque peinture que les voyageurs mal informés puissent nous faire de leur barbarie, il assure qu’ils ont un fonds d’humanité qui les rend sensibles aux malheurs d’autrui. La tendresse qu’ils ont pour leurs enfans mérite de l’admiration. Ellis en rapporte un exemple singulier qui s’était passé presque sous ses yeux. Deux canots, passant une rivière fort large, arrivèrent au milieu de l’eau : l’un, qui n’était que d’écorce, et qui portait un Indien, sa femme et leur enfant, fut renversé par les flots ; le père, la mère et l’enfant passèrent heureusement dans l’autre ; mais il était si petit, qu’il ne pouvait les sauver tous trois. Une contestation s’élève : il ne fut pas question entre l’homme et la femme de mourir l’un, pour l’autre, mais uniquement de sauver l’objet de leur affection commune. Ils employèrent quelques momens à examiner lequel des deux pou-