Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/248

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servent de petits bâtons pour se rappeler divers articles ; mais alors ils parlent quatre ou cinq heures de suite, ils étalent vingt présens, dont chacun demande un discours entier ; ils n’oublient rien, et jamais on ne les voit hésiter. Leur narration est nette et précise : ils emploient beaucoup d’allégories et d’autres figures, mais vives, avec tous les agrémens qui conviennent à leur langue. La plupart ont le jugement droit, et vont d’abord au but, sans jamais s’écarter ou prendre le change ; ils conçoivent aisément tout ce qui ne passe point leur portée. Cependant on ajoute que, pour les former aux arts, dont ils n’ont pas encore eu l’idée, il faudrait un long travail, d’autant plus qu’ils méprisent beaucoup tout ce qui ne leur est pas nécessaire. Il ne serait pas aisé non plus de les rendre capables de contrainte et d’application aux choses purement intellectuelles, dont on aurait peine à leur faire sentir l’utilité ; mais pour tout ce qui les intéresse ils ne négligent ni ne précipitent rien. Autant ils portent de flegme et de circonspection à prendre leur parti, autant ils mettent d’ardeur dans l’exécution. Enfin la plupart ont une noblesse et une égalité d’âme qui ne sont pas communes en Europe, avec tous les secours qu’on y peut tirer de la religion et de la philosophie. Les disgrâces les plus subites ne causent pas même d’altération sur leur visage. Leur constance dans les douleurs est au-dessus de toute expression, et paraît commune aux deux sexes. Une