Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/292

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n’est pas précisément une récompense de la vertu ; c’est celle de diverses qualités accidentelles, comme d’avoir été bon chasseur, brave à la guerre, heureux dans les entreprises, et d’avoir tué ou brûlé un grand nombre d’ennemis. Cette félicité consiste à trouver une chasse et une pêche qui ne manquent point, un printemps perpétuel, une grande abondance de vivres sans aucun travail, et tous les plaisirs des sens. Tous leurs vœux n’ont pas d’autre objet pendant la vie ; et leurs chansons, qui sont originairement leurs prières, roulent sur la continuation des biens présens. Ils se croient sûrs d’être heureux après la mort à proportion de ce qu’ils le sont dans cette vie. Les âmes des bêtes ont aussi leur place dans le même pays ; car ils ne les croient pas moins immortelles que leurs propres âmes. Ils leur attribuent même une sorte de raison ; et non-seulement chaque espèce d’animaux, mais chaque animal a son génie comme eux. En un mot, ils ne mettent qu’une différence graduelle entre les hommes et les brutes ; l’homme n’est pour eux que le roi des animaux, qui possède les mêmes attributs dans un degré fort supérieur.

Rien n’approche de leur extravagance et de leur superstition pour tout ce qui regarde les songes. Ils varient beaucoup dans la manière dont ils les expliquent : tantôt c’est l’âme raisonnable qui se promène, tandis que l’âme sensitive continue d’animer le corps ; tantôt