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maux l’abandonner plutôt que de se défendre : c’est une chimère. L’empire des femmes ne s’étend pas sur les monstres.

Le lion supporte long-temps la soif. On prétend qu’il ne boit qu’une fois en trois ou quatre jours, mais qu’il boit beaucoup lorsque en trouve l’occasion. C’est une erreur vulgaire que de le croire épouvanté du chant des coqs. On a vérifié au contraire qu’il fait peu d’attention à la volaille ; mais il n’est pas moins vrai qu’il redoute les serpens. La ressource des Maures, lorsqu’ils sont poursuivis par un lion, est de prendre leur turban de le remuer devant eux dans la forme d’un serpent. Cette vue suffit pour obliger l’ennemi à précipiter sa retraite. Comme il arrive souvent aux mêmes peuples de rencontrer des lions dans leurs chasses, il est fort remarquable que leurs chevaux, quoique célèbres par leur vitesse, sont saisis d’une terreur si vive, qu’ils deviennent immobiles, et que les chiens, non moins timides, se tiennent rampans aux pieds de leur maître ou de son cheval. Le seul expédient pour les Maures est de descendre et d’abandonner une proie qu’ils ne peuvent défendre ; mais, si le ravisseur est trop près, et qu’on n’ait pas le temps d’allumer du feu, seul moyen de l’effrayer, il ne reste qu’à se coucher par terre dans un profond silence. Le lion, lorsqu’il n’est pas tourmenté par la faim, passe gravement, comme s’il était satisfait du respect qu’on a pour sa présence.