Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 2.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un grand bassin d’étain, de la même couleur, dit Philips, que le teint de sa majesté, rempli de poules étuvées dans leur jus, avec un plat de patates bouillies pour servir de pain. Les poules étaient si cuites, qu’elles se dépeçaient d’elles-mêmes. Toute l’argenterie royale se réduisait à la petite tasse qui lui servait à boire de l’eau-de-vie. Le roi saluait souvent les Anglais par des inclinations de tête, baisait sa propre main, et poussait quelquefois de grands éclats de rire. Lorsqu’ils eurent cessé de manger, il prit dans le bouillon quelques pièces de volaille qu’il donna à ses enfans. Le reste fut distribué entre ses nobles, qui s’avancèrent en rampant sur le ventre comme autant de chiens. Leurs mains leur servirent de cuillers pour prendre la viande dans le bouillon. Ils la mangeaient ensuite avec beaucoup d’avidité.

À peine Philips se trouva-t-il capable d’aller jusqu’au marché des esclaves sans être soutenu, et la mauvaise odeur du lieu lui causait quelquefois des évanouissemens dangereux. Cette halle était un vieux bâtiment où l’on faisait passer la nuit aux esclaves, qui étaient dans la nécessité d’y faire tous leurs excrémens. Trois ou quatre heures que Philips était obligé d’y passer tous les jours ruinèrent tout-à-fait sa santé.

Les esclaves du roi furent les premiers qu’on offrit en vente, et les cabochirs exigèrent qu’ils fussent achetés avant qu’on en produisit d’autres, sous prétexte qu’étant de la maison royale