Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 20.djvu/247

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mais les femmes n’y perdent rien ; car, tout devant passer par leurs mains, elles se régalent entre elles en l’absence et aux dépens de leurs maris. C’est leur grand plaisir alors de voir leurs enfans se remplir la panse, puis se rouler sur le plancher afin de presser leurs intestins, et d’y faire encore de la place à la bonne chère.

Ce peuple est-il heureux ou malheureux ? Il ne songe point au lendemain. Lorsqu’il est dans l’abondance, il ne quitte la table qu’à la fin de ses provisions, pour danser et se réjouir, dans l’espérance que la mer fournira chaque jour à ses besoins renaissans. Mais quand les mauvais temps arrivent, que les phoques disparaissent au printemps pour deux ou trois mois, que la rigueur des saisons ou quelque surcroît de calamités amènent la disette, alors on voit les tristes Groënlandais passer des jours entiers sans manger, si ce n’est le peu de moules et d’algue qu’ils trouvent par hasard : réduits par degrés au cuir de leurs souliers, et même aux peaux de leurs tentes, qu’ils font bouillir dans l’huile destinée à leurs lampes, ils prolongent ainsi de misérables jours qui doivent bientôt s’éteindre par la famine.

Ils aiment extrêmement certaines denrées étrangères, comme le pain, le gruau d’avoine, les pois et la morue sèche, et plusieurs ne s’y sont déjà que trop vite accoutumés ; mais ils ont la plus forte aversion pour la viande de cochon, parce que cet animal mange toutes sor-