Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 20.djvu/287

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fardeau pour elle et pour les autres, on l’ensevelit toute vive, ou bien on la noiera par compassion. Quel plaisir reste-t-il donc aux hommes dont les femmes ont si peu de bonheur ?

Cependant, malgré toutes ces peines attachées à leur condition, elles vivent communément plus long-temps que les hommes. Ceux-ci passent la plus grande partie de leurs jours sur mer, au milieu des eaux et des glaces, entre la neige et la pluie, toujours dans les travaux et les dangers, poussés des extrémités de la faim à des excès d’intempérance, ne mangeant qu’une fois par jour, mais avec une voracité pire que la diète ; aussi ne parviennent-ils que rarement à cinquante ans, et sont-ils bien moins nombreux que les femmes ; ce qui sans doute occasione, et peut-être autorise le plus l’usage de la polygamie. Celles-ci vont de soixante-dix à quatre-vingts ans, et au delà ; mais ce surplus de vie est bien chèrement acheté par les folles et hideuses pratiques de la superstition dont elles se font un art lucratif ; car, chez tous les peuples grossiers, les vieilles femmes sont toujours en possession de faire peur aux enfans ; et l’ignorance n’est-elle pas une enfance de tous les âges ?

Le genre de vie des Groënlandais n’a certainement rien de séduisant pour un Européen. Cependant, quand on est ballotté par la tempête, une misérable cabane est un port assez doux ; et dans un pays où tous les élémens semblent conjurés contre l’espèce humaine,