Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 20.djvu/318

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la faveur d’un autre homme. Mais à la fin elle est abandonnée avec ses enfans à son cruel sort, c’est-à-dire, obligée d’aller vivre d’herbes et de moules, jusqu’à ce que le froid et la faim la délivrent d’une si triste destinée. « C’est là sans doute, dit Crantz, la principale raison qui fait diminuer la nation des Groënlandais d’année en année, surtout depuis un certain temps qu’ils semblent avoir augmenté leurs besoins au delà de leurs moyens. »

Point de crimes qui soient punis de mort, si ce n’est l’assassinat et le sortilége, dont l’art est quelquefois homicide. Un homme qui porte envie à l’adresse et au bonheur d’un autre pêcheur plus riche que lui, sans toucher à son bien, ira l’attaquer sur mer, renverser son kaiak pour le noyer, ou lui lancer un harpon dans le dos, et le laisser périr à la merci des flots. Les amis du mort dissimuleront jusqu’au moment favorable à la vengeance, dussent-ils la couver durant trente ans. Mais s’ils rencontrent par hasard à terre le meurtrier, qui se tient ordinairement sur ses gardes, ils l’attraperont, lui rappelleront en peu de mots son crime, et le lapideront ou le précipiteront d’une montagne, et de là dans la mer ; ou si la fureur les anime jusqu’à l’excès, ils le mettront en pièces, et lui mangeront le cœur ou le foie, pour ôter, disent-ils, le courage à ses parens de venger sa mort sur eux ; car ces vengeances sont constamment héréditaires, et se perpétuent entre les familles, et même entre voisins, à moins