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pour arriver au nombre de vingt ; cependant ils ont des mots particuliers pour exprimer six, onze et seize. Mais comme ils savent que chaque homme a vingt doigts, quand ils veulent exprimer le nombre cent, ils disent cinq hommes. En général, toute quantité au-dessus de vingt est innombrable pour un Groënlandais qui ne se piquera pas d’être arithméticien.

Ce qu’ils possèdent le mieux, c’est leur généalogie ; ils peuvent compter jusqu’à dix de leurs ancêtres en ligne directe, avec les branches collatérales : ils ne négligent pas cette science, parce qu’elle leur est utile. Un Groënlandais pauvre ne manquera point du nécessaire, s’il peut prouver qu’il est parent d’un homme aisé ; car chez ce peuple personne ne rougit d’avoir des parens dans la pauvreté, ni ne refuse de les en tirer quand il le peut.

La sublime vertu parmi les Groënlandais, c’est l’art et le soin de faire fortune, c’est-à-dire, de pourvoir aux premiers besoins de la nature. C’est là leur noblesse qu’ils croient héréditaire, et non sans fondement : le fils d’un célèbre pêcheur succède ordinairement au talent et à la réputation de son père, même quand il l’aurait perdu dans l’enfance, et qu’il n’aurait pas été guidé par la main paternelle.

Ils avaient si peu d’idée de l’écriture, qu’au commencement de leur commerce avec les Européens, ils étaient effrayés de voir, disaient-ils, le papier parler : ils n’osaient porter une lettre d’un homme à un autre, ni toucher un