Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 20.djvu/407

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merçans au bien de la religion, qui était son unique motif, sans entrer dans leurs vues temporelles, soit que les chrétiens du Nord aient en général moins de prosélytisme que ceux du Midi, soit que, dans les pays protestans, le clergé n’ait ni autant d’accès ni autant de crédit dans les cours qu’en ont eu jusqu’à présent les missionnaires catholiques du Portugal et de l’Espagne. Mais il faut avouer que si ceux-ci ont montré plus de désintéressement dans les premiers temps de leur vocation, ils ont bien profité du succès de leur zèle en Amérique pour l’avancement de leur pouvoir dans le monde entier ; au lieu qu’Égède n’avait si fort à cœur les progrès du commerce de sa nation au Groënland que pour y mieux assurer ceux de sa religion.

Aussi, quand il eut apprivoisé les Groënlandais à l’appât du gain, il crut devoir, à l’exemple des apôtres, les prendre dans ses filets, et les familiariser avec la prédication de l’Évangile. Ils l’écoutèrent d’abord patiemment ; mais lorsqu’il y revenait trop souvent, et qu’il leur faisait perdre au chant des hymnes le temps de la pêche, ils ne voulaient plus l’entendre surtout dès qu’un angekok se présentait avec ses enchantemens, on voyait déserter l’auditoire du missionnaire ; et s’il continuait à prêcher, on s’en moquait, et l’on contrefaisait les gestes du prédicateur par des grimaces. On allait même jusqu’à le traiter de menteur, parce que les angekoks, qui avaient été dans les