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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/115

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d’une révélation expresse et d’une foi bien vive pour soumettre la raison. Une preuve que la foi seule opère les effets de la foi, c’est qu’une Groënlandaîse qui n’avait pas reçu le baptême qu’elle demandait depuis long-temps, choquée de ce qu’on la renvoyait toujours à la fin du sermon, avec ces paroles liturgiques, ite, missa est, s’en alla si bien, quelle ne revint plus parmi les catéchumènes. Mais, pour une brebis perdue, il en resta plus de soixante dans le bercail, dont trente-six furent admises au bain sacré du baptême.

La moisson spirituelle se ressentit, l’année suivante, de la disette de l’hiver et des ravages de la famine. Les Européens n’en avaient pas encore vu de si cruelle. L’alternative des vents orageux et des temps de neige, jointe aux brouillards gelés qui semblaient exhaler dans les airs comme une atmosphère de glace, ces frimas et ces périls réunis fermèrent la communication des îles, soit entre elles, soit avec le continent. Il ne fut pas possible, jusqu’au mois de mars, d’aller chercher de la nourriture. Les enfans périssaient, d’un côté, sans sépulture ; de l’autre, on les enterrait encore vivans. Le sort de ces victimes perçait chaque jour le cœur des missionnaires : enfin ils se hasardèrent à profiter des premières trêves du froid pour arrêter ou diminuer le cours de cette calamité. Deux de ces frères charitables allèrent à Kanghek.

« Le 23 mars, disent-ils dans leur journal,