Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/146

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tendre. Ils ont toujours des raisons pour ne pas écouter les catéchistes et les prédicateurs : l’un veut aller chercher de la poudre et du plomb pour chasser aux rennes, l’autre manger de l’ours, l’autre construire un canot. Enfin, continuent les missionnaires, nous voyons passer beaucoup de ces méridionaux qui vont au nord ou qui en reviennent ; mais le commerce qu’ils y font avec les Européens les rend en même temps et plus policés et plus prévenus contre le christianisme. » De tout temps les missionnaires du Nouveau-Monde ont avoué que la fréquentation des navigateurs et des marchands d’Europe détruisait auprès des Américains tous les fruits de la prédication de l’Évangile. C’est pour cela sans doute que les jésuites du Paraguay avaient obtenu que les vaisseaux de l’Espagne et du Portugal ne séjourneraient pas dans les ports voisins de leurs peuplades ; mais leur prétexte de religion cachait, dit-on, un projet d’ambition. Rien n’est pur sur la terre, et le nom du ciel même s’y corrompt dans la bouche des hommes : les uns prêchent une religion d’obéissance, et veulent dominer ; les autres professent une morale sainte, et vivent dans la débauche. Les sauvages qui voient les œuvres et n’entendent pas les discours méprisent la parole et suivent l’exemple. Cette conduite très-conséquente n’accélère pas les progrès du christianisme au Groënland. On s’y plaint que les habitans du midi sont quelquefois aussi libertins que les Européens,