Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/15

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toute couverte des pustules de la petite vérole, avec trois de ses petits frères. Leur père, après avoir enseveli tous les habitans, s’était mis lui-même dans un tombeau avec le plus jeune de ses enfans attaqué de l’épidémie, laissant l’ordre à sa fille de couvrir sa tombe de pierres et de peaux pour mettre son corps à l’abri des renards et des corbeaux. Le reste de cette malheureuse famille vivait de quelque provision de harengs secs et de phoque, jusqu’à ce que le mal ou la famine eût épuisé de tristes jours plus douloureux à conserver qu’à finir. Égède, parmi les progrès d’une calamité qui dévorait les habitans, recevait les uns, allait chercher les autres, et les secourait de tous ses soins, de ses provisions, ou par des instructions consolantes. Ses œuvres de charité chrétienne et d’humanité firent plus d’impression sur les âmes pour les disposer à la religion que n’en avaient pu faire ses discours depuis dix ans : tant les hommes ont de penchant à croire une divinité bienfaisante, que ses apôtres sauront toujours faire aimer en donner l’exemple des vertus qu’ils prêchent ! L’épidémie continua ses ravages durant près d’un an, et s’étendit l’espace de quarante lieues nord, et pour le moins autant vers le midi. Quand les facteurs danois abordèrent sur ces côtes, ils trouvèrent les maisons entièrement désertes le long de plus de trente lieues. Aux environs de la colonie, il périt en trois mois jusqu’à cinq cents personnes dans l’espace de huit lieues. On peut juger par-là du nombre