seaux nous obtenions assez de poisson pour nourrir dix personnes ; pour un grelot ou pour un ruban les indigènes nous apportaient une corbeille de patates ; c’est le nom qu’on donne à des racines qui ont à peu près la forme de nos navets, et dont le goût approche des châtaignes. Nous changions aussi chèrement les figures des cartes à jouer : pour un roi de denier[1] on me donna six poules, et encore s’imagina-t-on avoir fait une très-bonne affaire.
» Nous avions alors le soleil à notre droite, et nous souffrions bien plus de la chaleur qu’en passant la ligne. La terre du Brésil, qui abonde en toutes sortes de denrées, est aussi étendue que l’Espagne, la France et l’Italie ensemble : elle appartient au roi de Portugal.
» Les brésiliens ne sont pas chrétiens ; mais ils ne sont pas non plus idolâtres ; car ils n’adorent rien : l’instinct naturel est leur unique loi. Ils vivent très-long-temps, car les vieillards parviennent ordinairement jusqu’à cent vingt ans, et quelquefois jusqu’à cent quarante. Ils vont tout nus, les femmes aussi-bien que les hommes. Leurs habitations sont de longues cabanes qu’ils nomment boï, et ils se couchent sur des filets de coton appelés hamacs, attachés par les deux bouts à de grosses poutres ; leur cheminée est par terre. Un de ces boïs contient quelquefois jusqu’à cent hommes, avec leurs femmes et leurs enfans ; il y a par conséquent toujours beaucoup de bruit. Leurs bar-
- ↑ Nom d’une carte du jeu de tarot.