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sèrent tomber l’ancre par dix brasses d’eau, et firent à la capitane le signal de s’éloigner, parce que le fond, semé de brisans que la limpidité de l’eau laissait apercevoir, était si inégal, que de cent brasses il s’élevait tout à coup à dix, sans pouvoir montrer de sonde l’instant d’après. Les vaisseaux engagés dans ces écueils coururent le plus grand danger ; on se hâta de regagner le large.

L’impatience commençait à s’emparer des esprits, et déjà les murmures éclataient parmi les équipages de la flotte. Le 7 septembre, le ciel était extrêmement couvert ; en conséquence, Quiros fit précéder les vaisseaux par la flûte et par la frégate, avec ordre de se tenir toujours en vue l’une de l’autre, et à celle de la capitane, afin d’avertir des terres ou des basses qu’elles pourraient découvrir ; mais la crainte du danger l’emporta sur le devoir ; dès que la nuit fut fermée, la flûte et la frégate restèrent en arrière. La capitane avança avec toutes les précautions que demandait l’obscurité d’une telle nuit. À neuf heures, on apercevait l’amirante ; à onze heures, un nuage épais couvrit l’horizon à bas-bord du bâtiment. On doutait si l’on voyait la terre ou un nuage ; mais à l’instant même le nuage creva, et il survint un violent grain de pluie et de vent. Ce grain passé, l’on découvrit clairement la terre ; la capitane n’en était pas éloignée de plus d’une lieue. Cette nouvelle causa une joie générale ; chacun s’empressait de regarder cette terre si