Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/39

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L’année 1739 fut marquée par ces épreuves qui préparent les cœurs à la religion. Dès l’entrée de l’hiver le froid fut si rigoureux, et la glace ferma tellement les baies du sud, que les Groënlandais ne purent sortir pour aller chercher des provisions. Plusieurs d’entre eux périrent de faim et de froid faute de nourriture, et manquant d’huile pour entretenir leurs lampes, qui leur servent en même temps pour la cuisine et le chauffage. Dans cette double extrémité, les Groënlandais eurent recours aux Européens, leur ressource ordinaire. Quelques-uns furent obligés de faire six lieues sur les glaces, et d’autres de porter le kaiak sur la tête des journées entières avant de trouver l’eau pour ramer. Ils prièrent les missionnaires de leur prêter un asile, et de recueillir assez loin leurs femmes et leurs enfans qu’ils avaient laissés derrière eux dans les glaces. Les frères leur donnèrent tous les secours de l’humanité, et l’on envoya de la colonie un bateau pour sauver ces familles errantes. Mais comme la glace ne permit pas d’aborder à l’île où ces malheureux étaient arrêtés, on fut forcé de les laisser durant une semaine entière exposés à toutes les rigueurs de la misère, jusqu’à ce que le temps plus doux ouvrît les passages de la mer pour les transporter. Ces pauvres gens avaient été dix jours dans la neige, n’ayant pour nourriture que de vieilles peaux de tentes, le cuir de leurs souliers et de l’algue. Cependant un Groënlandais, plus hardi ou plus heureux que