Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/63

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femme ; elle se corrigera. « Eh bien, répondit-il, je ne la battrai pas, mais je t’avertirai quand elle retombera dans la même faute. »

C’en est assez pour faire connaître le plan de direction spirituelle que suivent les frères Moraves avec les Groënlandais. On voit dans ce court extrait leur langage, leur genre de vie, le courage qu’ils puisent dans leur enthousiasme, l’empire que le fanatisme qui s’exhale de leur âme dans celle des sauvages doit leur assurer à la longue sur ces peuples simples et de bonne foi. C’est la même méthode, le même esprit dans l’histoire de vingt ans de missions. Ces heureux insensés se sont fait un art de l’inspiration pour étendre leurs dogmes et leur culte. Tous les moyens humains, mais les plus doux, ont été dans leurs mains des instrumens de prosélytisme ; et le prosélytisme à son tour deviendra peut-être un jour pour eux un instrument de puissance. Pourquoi faut-il qu’on soit obligé de louer et d’admirer la conduite de ces missionnaires luthériens qui, voulant policer les sauvages, corrompent leur raison pour les unir en société ! Ne peut-on donner des lois et des mœurs aux hommes, sans leur inspirer des erreurs ? N’y a-t-il que la force ou la ruse, et toujours la crainte qui nous puissent mener, même au bien ? Ne verra-t-on jamais une ligue formée par la raison et l’humanité pour la propagation des vérités utiles au bonheur du monde, pour l’accroissement et la perfection de la société, pour la paix des états et