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furent tellement couvertes de canards sauvages, qu’on les prenait avec la main en les chassant sur la côte. Ces canards firent l’effet de la manne dans le désert. Un samedi au soir les chasseurs revinrent avec leurs kaiaks remplis chacun de quarante ou cinquante pièces de gibier. Ceux qui voulurent aller le lendemain matin à la chasse, au lieu d’assister à l’office divin, s’en retournèrent les mains vides, et le corps bien fatigué. Les missionnaires leur dirent alors que, si la chasse avait été si heureuse le samedi, c’était afin qu’on pût sanctifier le dimanche.

Ces pieux sophismes étaient soutenus par des œuvres de charité plus persuasives. Un catéchiste de la mission, étant à la chasse, rencontra dans sa route un pauvre Groënlandais qui venait de perdre sa femme et se préparait à enterrer avec elle une fille de six mois, parce qu’il n’avait pas de quoi la nourrir. Il dépêche aussitôt vers cet homme un chrétien qui lui demande sa fille, l’emporte, la fait baptiser, et la donne aux sœurs de la congrégation pour l’élever. Voilà le triomphe de la religion et de l’humanité.

L’année 1752 est remarquable dans l’histoire du Groënland par la visite d’un évêque ; c’était Watteville, gendre du comte de Zinzendorf. Entré dans la famille et la congrégation de cet instituteur, il fut promu à l’épiscopat dans l’église luthérienne, et, à ce titre, nommé visiteur général des missions du herrnhutisme. Le voyage qu’il fit au Groënland est assez instruc-