Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 22.djvu/179

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en très-mauvais état ; mais, n’ayant qu’un homme capable d’y travailler, je vis que cette opération me prendrait trop de temps ; d’ailleurs la saleté de mon vaisseau, que je n’avais pas le moyen d’espalmer, le peu d’hommes bien portans qui me restaient, l’envie démesurée qu’ils témoignaient de retourner au plus tôt chez eux, le danger de continuer en cet état à naviguer dans une mer où les basses et les côtes nous étaient également inconnus, et qu’il fallait examiner avec beaucoup de soin, les vents d’ouest qui avaient commencé à souffler, l’impossibilité de tenir la mer durant cette mousson ; tous ces motifs, dis-je, m’empêchèrent de poursuivre alors le but que je me proposais.

Le 11, nous venions d’éprouver une rafale, lorsqu’un matelot, qui se tenait à l’avant, s’écria qu’il voyait quelque chose à l’arrière, mais ne pouvait dire ce que c’était ; je regardai de ce côté ; c’était une trombe qui se formait au vent à nous, à moins d’un quart de mille de distance ; je fis route pour l’éviter ; en moins de cinq minutes elle arriva à peu près à une encablure, et passa sous le vent ; elle offrait l’apparence d’une longue traînée d’eau qui aboutissait par en bas à un tourbillon, à la surface de la mer, et qui avait la largeur ordinaire d’un arc-en-ciel. Son extrémité supérieure était très-élevée, et ne semblait pas tenir à un nuage épais. À un mille de nous elle creva. Lorsqu’elle passa près de nous, je sentis un vent très-fort.