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et à leurs mains. La chaloupe même et les rames en étaient couvertes. On ne put s’en délivrer pendant quatre jours ; et l’on ne dut la fin de ce tourment qu’à un vent frais, qui les fit disparaître en un instant. On ne manqua point de donner à l’île le nom de Het Vliegen eylandt (l’île des Mouches).

Outre les ravages du scorbut, le besoin d’eau commençait à se faire sentir si vivement, qu’on était réduit à tendre des linceuls et des voiles pour rassembler l’eau des moindres pluies. Le 23, à 15° 4′ sud, le vaisseau eut beaucoup à souffrir d’une grosse mer, dont les lames roulaient du sud, quoique les vents fussent du nord-est, et particulièrement de l’est et de l’est-quart-de-sud-est. Quelques-uns se persuadèrent que la terre australe qu’on cherchait était encore à deux cent cinquante lieues devant eux. Le jour d’après et le 25, les lames continuèrent de rouler du sud, comme elles roulent ordinairement du nord-ouest dans la mer d’Espagne. Le 3 mai, en courant à l’ouest, vers 15° 3′ sud, on vit pour la première fois des dorades dans la mer du Sud. Suivant le calcul des pilotes, on était alors à mille cinq cent dix lieues des côtes du Pérou et du Chili, immense éloigenement dans une mer si peu connue. Les malades se livraient au désespoir. Enfin, le 9 à midi, on découvrit une voile, qu’on reconnut bientôt pour une barque de sauvages. Elle venait du sud ; et, portant au nord, elle passa par le travers du