Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 23.djvu/242

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cœur ou la loi de ses sens, et les applaudissemens publics honorent sa défaite. Il ne semble pas que le grand nombre d’amans passagers qu’elle peut avoir eus l’empêche de trouver ensuite un mari. Pourquoi donc résisterait-elle à l’influence du climat, à la séduction de l’exemple ? L’air qu’on respire, les chants, la danse presque toujours accompagnée de postures lascives, tout rappelle à chaque instant les douceurs de l’amour, tout crie de s’y livrer. Ils dansent au son d’une espèce de tambour, et lorsqu’ils chantent, ils accompagnent la voix avec une flûte très-douce, à trois ou quatre trous, dans laquelle, comme nous l’avons déjà dit, ils soufflent avec le nez. Ils ont aussi une espèce de lutte, qui est en même temps exercice et jeu.

» Cette habitude de vivre continuellement dans le plaisir donne aux Taïtiens un penchant marqué pour cette douce plaisanterie, fille du repos et de la joie. Ils en contractent aussi dans le caractère une légèreté dont nous étions tous les jours étonnés. Tout les frappe, rien ne les occupe ; au milieu des objets nouveaux que nous leur présentions, nous n’avons jamais réussie fixer deux minutes de suite l’attention d’aucun d’eux. Il semble que la moindre réflexion leur soit un travail insupportable, et qu’ils fuient encore plus les fatigues de l’esprit que celles du corps.

» Je ne les accuserai cependant pas de manquer d’intelligence. Leur adresse et leur indus-