Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 24.djvu/48

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coulèrent de ses yeux, et il fit signe avec le couteau, que, si jamais il se rendait coupable de l’action qu’on lui imputait, il consentait à avoir la gorge coupée. Il sortit précipitamment de la tente, et retourna à grands pas vers M. Banks , paraissant lui reprocher amèrement les soupçons qu’on avait formés contre lui. M. Banks comprît bientôt que le Taïtien avait reçu le couteau des mains de son domestique ; il était presque aussi affligé que le chef de ce qui venait de se passer ; il sentit qu’il était coupable lui-même, et voulait expier sa faute. Le pauvre Taïtien, malgré la violence de son agitation, était d’un caractère à ne pas conserver son ressentiment ; il oublia l’injure que lui avait faite M. Banks, et se réconcilia parfaitement lorsque celui-ci l’eut traité avec familiarité, et qu’il lui eut donné quelques petits présens.

» Il faut observer ici que ces peuples, par les simples sentimens de la conscience naturelle, ont une connaissance du juste et de l’injuste, et qu’ils se condamnent volontairement eux-mêmes lorsqu’ils font aux autres ce qu’ils ne voudraient pas qu’on leur fît. Il est sûr que Toubouraï-Tamaïdé sentait la force de l’obligation morale ; s’il avait regardé comme indifférente l’action qu’on lui imputait, il n’aurait pas été si agité lorsqu’on démontra la fausseté de l’accusation. Nous devons sans doute juger de la vertu de ces peuples par la seule règle fondamentale de la morale, la conformité de leur conduite à ce qu’ils croient être justes ;