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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 25.djvu/124

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les yeux vifs, et ses joues arrondies annonçaient la santé. Ses rides, symptômes de la vieillesse parmi nous, étaient en petit nombre ; car l’inquiétude, la peine et le chagrin, qui sillonnent nos fronts de si bonne heure, sont peu connus de cette nation fortunée. De jeunes enfans, que nous primes pour ses petits-fils, absolument nus, suivant la coutume du pays, jouaient avec le vieillard ; ses actions et ses regards nous apprirent que sa manière simple de vivre n’avait pas encore émoussé ses sens. Des hommes bien faits et des nymphes sans art, en qui la jeunesse suppléait à la beauté, entouraient le patriarche ; nous jugeâmes, en arrivant, qu’ils conversaient ensemble après un repas frugal. Ils nous prièrent de nous asseoir sur leurs nattes au milieu d’eux ; nous ne leur donnâmes pas la peine de réitérer leur invitation. Comme ils n’avaient peut-être jamais vu d’étrangers, ils examinaient nos vêtemens et nos armes, sans cependant s’arrêter plus d’un moment sur chaque objet. Ils admiraient la couleur de notre teint : ils serraient nos mains ; ils paraissaient étonnés de ce que nous n’étions pas tatoués, et de ce que nous n’avions pas de grands ongles à nos doigts : ils demandaient nos noms d’un air empressé ; et quand ils les avaient appris, ils les répétaient avec un grand plaisir. Ces noms, prononcés à leur manière, différaient tellement des originaux, qu’un étymologiste aurait eu peine à les reconnaître ; mais en revanche ils étaient plus harmonieux et plus fa-