Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 26.djvu/238

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ble de deviner le sens de ces harangues, qui, nous étant adressées, ne contenaient vraisemblablement rien que de favorable pour nous. Tout le temps que ces chefs parlèrent j’observai le peuple, et je ne vis rien qui dût nous inspirer de la défiance.

» Nous nous mêlâmes ensuite dans la foule pour les mieux examiner ; plusieurs qui paraissaient affectés d’une espèce de lèpre, avaient les jambes et les bras prodigieusement gros : ils étaient absolument nus, si on en excepte un cordon qu’ils portaient autour de leur ceinture et un second autour de leur cou. Le petit morceau d’étoffe d’écorce de figuier qu’ils replient quelquefois autour de la ceinture, ou qu’ils laissent flotter, mérite à peine le nom d’une couverture ; il ne sert pas plus de voile que celui des Mallicolais ; et, aux yeux des Européens, il était plutôt malhonnête que décent. Chaque habitant de cette île, ainsi que les naturels de Tanna et de Mallicolo, était une figure ambulante du dieu Priape. Les idées de modestie sont différentes dans chaque pays, et changent aux différentes époques de la civilisation. Lorsque tous les hommes vont nus comme à la Nouvelle-Hollande, où par pudeur on ne porte pas le moindre vêtement, on se regarde avec autant de simplicité que si on était vêtu. Les habits à la mode et les armures des quinzième et seizième siècles, dans toutes les cours d’Europe, passeraient à présent pour fort indécens. Qui osera dire qu’il y avait