Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 27.djvu/162

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prodigieuse quantité d’hommes rassemblés sur un si petit espace peut trouver assez de subsistance ; voici ma réponse : nous avons souvent parlé avec étonnement de la fertilité de ces terres ; les naturels des îles de la Société nous ont répété fréquemment que trois gros arbres à pain suffisent pour nourrir un homme pendant la saison du fruit à pain, c’est-à-dire pendant huit mois. Les plus gros de ces arbres occupent, avec leurs branches, un espace de quarante pieds en diamètre ; par conséquent chaque arbre occupe seize cents pieds carrés, ou s’il est rond, douze cent quatre-vingt-six pieds deux tiers : un acre d’Angleterre contient quarante-trois mille cinq cent soixante pieds carrés ; il s’ensuit que plus de vingt-sept gros arbres à pain, et trente-cinq des moindres, trouveront place sur un acre ; leurs fruits nourrissent dix personnes durant huit mois dans le premier cas, et douze dans le second : durant les quatre mois d’hiver les naturels vivent de racines d’ignames, d’eddoës et de bananes, dont ils ont des plantations immenses dans les vallées des montagnes inhabitées ; ils font aussi une espèce de pâte aigre de fruit à pain fermenté, qui se garde plusieurs mois, et qui est saine et agréable pour ceux qui se sont une fois accoutumés à son goût acide. Comparons cette fertilité à la plus grande qu’on connaisse : en France, une lieue carrée, qui contient environ quatre mille huit cent soixante-sept arpens, ne peut nourrir que treize cent quatre-