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tomberait mort lui-même sur-le-champ. Cette persuasion est si fortement gravée dans l’esprit des Nègres, que l’imagination seule a souvent produit tous les effets de la réalité. Ils assurent aussi que le premier mort appelle le second, surtout lorsqu’ils ont eu quelque démêlé pendant leur vie.

Après la cérémonie des poules, on continue de faire des lamentations sur le cadavre ; et si la douleur ne fournit pas des larmes, on a soin de se mettre du poivre dans le nez, ce qui les fait couler en abondance. Lorsqu’on a crié et pleuré quelque temps, on passe tout d’un coup de la tristesse à la joie, en faisant bonne chère aux frais des plus proches parens du mort, qui demeure pendant ce temps-la sans sépulture. On cesse de boire et de manger, mais c’est pour suivre le son des tambours qui invite toute l’assemblée à danser. Le bal commence. Aussitôt qu’il est fini, on se retire dans des lieux indiqués, où tous les spectateurs des deux sexes sont renfermés ensemble dans l’obscurité, avec la liberté de se mêler sans distinction. Comme le signal de cette cérémonie se donne au son des tambours, l’ardeur du peuple est incroyable pour se rendre à l’assemblée. Il est presque impossible aux mères d’arrêter leurs filles, et plus encore aux maîtres de retenir leurs esclaves. Les murs et les chaînes sont des obstacles trop faibles ; mais, ce qui doit paraître encore plus étrange, si c’est le maître d’une maison qui est mort, sa femme se livre