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HISTOIRE GÉNÉRALE


docilité et la constance des chiens de volée leur donne quelquefois une valeur extraordinaire ; et j’ai su qu’il n’est pas rare de les payer quarante roubles. Le conducteur est muni d’un bâton crochu qui lui tient lieu de fouet et de rênes ; en frappant la neige, il vient à bout de modérer la vitesse des chiens, et même de les arrêter : lorsqu’ils sont paresseux ou inattentifs à sa voix, il les châtie en leur jetant ce bâton. Son adresse à le ramasser est alors très-remarquable, et forme la principale difficulté du métier. Au reste, il ne faut pas s’étonner que les habitans du Kamtchatka s’exercent à une manœuvre d’où dépend leur sûreté ; car ils disent que, s’ils perdent leur bâton, les chiens s’en aperçoivent tout de suite ; que, si ces animaux n’avaient pas affaire à un homme ferme et d’un grand sang-froid, ils s’emporteraient et ne s’arrêteraient que lorsqu’ils seraient épuisés de fatigue : les chiens, ne se trouvant pas épuisés de sitôt, renversent le traîneau qui est mis en pièces contre les arbres, ou bien ils le jettent dans un précipice où ils sont ensevelis sous la neige avec le conducteur. Nous aurions eu bien de la peine à croire ce qu’on nous a raconté de leur patience extraordinaire à supporter la fatigue et la faim, si des témoins dignes de foi ne nous eussent pas attesté ces faits. Nous jugeâmes nous-mêmes de la célérité avec laquelle l’exprès qui porta à Bolcheretsk la nouvelle de notre arrivée revint au havre de Petro-Pavlovska, quoique la neige fut alors extrêmement