Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 30.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
HISTOIRE GÉNÉRALE


où le ressac est moins violent, parce qu’elle est à l’abri du vent. Ce plan fut exécuté ; mais les buffles étaient si intraitables et d’une force si prodigieuse, que leur voyage et leur embarquement furent très-longs et très-difficiles. Pour les mener, on passa des cordes dans le trou de leurs narines et autour de leurs cornes ; mais l’aspect de nos gens les ayant irrités de nouveau, ils devinrent si terribles, qu’ils renversèrent les arbres auxquels nous fûmes obligés souvent de les attacher : d’autres fois ils déchirèrent le cartilage de leurs narines, et ils s’échappèrent. Nos matelots auraient essayé vainement de les rattraper, sans le secours de quelques petits garçons qui vinrent à bout d’approcher de ces animaux, et qui avec des caresses ne tardèrent pas à apaiser leur fureur. Lorsque enfin les buffles furent arrivés sur la grève, le secours des petits garçons fut encore indispensable ; ils entrelacèrent de cordes les jambes de ces animaux, et ils vinrent à bout de les renverser par terre : nous pûmes alors les traîner dans les canots. On a lieu de s’étonner de la douceur et même de l’affection que montrent les buffles devant de petits enfans ; mais ce qui n’est pas moins singulier, ils n’eurent pas été vingt quatre heures à bord, qu’ils devinrent très-apprivoisés. Je gardai longtemps un mâle et une femelle, et ils jouaient avec les matelots. Croyant qu’une race si forte et si grosse, et dont quelques individus pesaient sept quintaux, serait une acquisition