Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 4.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pièces de bois sur lesquelles ils clouèrent plusieurs planches tirées de l’intérieur du navire. Cette machine était suffisante pour les contenir tous et pour sauver avec eux une partie du bagage et des marchandises. Chacun prit aussi ce qu’il put emporter de diverses sommes d’argent qui se trouvaient dans le vaisseau. On avait employé plus de la moitié du jour à tous ces soins ; mais, lorsqu’on eut achevé la machine, il fut impossible de la passer au-delà des bancs pour la mettre à flot. Dans les mouvemens de ce nouveau désespoir, on aperçut une barque qui venait des îles et qui semblait s’avancer droit au vaisseau pour le reconnaître : elle s’arrêta malheureusement à la distance d’une demi-lieue ; ce spectacle jeta tant d’amertume dans le cœur d’un matelot français, que, s’étant jeté à la nage, il alla au-devant d’elle, en suppliant par des cris et des signes ceux qui la conduisaient d’accorder leur assistance à de malheureux étrangers, dont ils ne pouvaient attendre qu’une reconnaissance égale à ce bienfait ; mais leur voyant rejeter sa prière, il fut obligé de revenir avec beaucoup de peine et de danger. Pyrard apprit dans la suite qu’il était rigoureusement défendu à tous les insulaires d’approcher des navires qui faisaient naufrage, s’ils n'en avaient reçu l’ordre exprès du roi. Cependant plusieurs matelots, malgré la présence de la mort, ne laissaient pas de boire et de manger avec excès, sous prétexte qu’étant à l’extrémité de leur