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fréquenter les trois autres captifs, et même de leur parler français. L’exécution de cet ordre étant fort difficile, parce qu’ils étaient logés les uns près des autres, on ne laissa pas de leur faire un crime de l’avoir violé, et deux des trois compagnons de Pyrard en portèrent la peine ; ils furent conduits dans une île nommée Souadou, à quatre-vingts lieues de Malé, vers le sud : le troisième aurait eu le même sort, si les services qu’il rendait à quelques moscoulis, en qualité de tailleur et de trompette, ne les eussent portés à solliciter pour lui. Le roi fit à Pyrard des reproches fort vifs de sa désobéissance ; mais ayant ajouté avec plus de douceur qu’il aurait été fâché d’apprendre qu’il se fût noyé comme les quatre Flamands, il lui donna occasion de se justifier avec tant de force, que cette aventure servit à le remettre en grâce. Il fut logé au palais et servi avec abondance. On lui donna un esclave pour les offices domestiques, une somme d’argent et diverses commodités. Il obtint bientôt le rappel des deux exilés, à l’occasion d’un ouvrage que l’un des deux, qui était Flamand, fit avec la seule pointe d’un couteau ; c’était un petit navire à la manière de Flandre, qui n’avait qu’une coudée de longueur, mais auquel il ne manquait ni voiles, ni cordages, ni le moindre des ustensiles, comme dans un navire de cinq cents tonneaux. Le roi, charmé de son habileté, consentit à son retour, et fit grâce en sa faveur à son compagnon.