Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/108

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avec une intelligence fraternelle, l’enfer, que Pinto accuse toujours de ses disgrâces, comme il fait honneur au ciel de toutes ses prospérités, leur fit trouver en eux-mêmes la source d’une infinité de nouveaux malheurs. Deux des neuf Portugais prirent querelle sur l’extraction des Mandureyras et des Fonsécas, deux illustres maisons de Portugal auxquelles ils étaient bien éloignés d’appartenir ; et sans autre intérêt que celui de la dispute, ils s’échauffèrent tellement sur la prééminence de ces deux noms, qu’après s’être emportés à quelques injures, l’un donna un soufflet à l’autre, qui lui répondit par un coup de sabre, dont il lui abattit la moitié de la joue. Le blessé prit une hallebarde avec laquelle il perça le bras de son adversaire ; les autres prenant parti, suivant leurs affections, dans un si ridicule démêlé, en vinrent aux mains à leur tour ; et de neuf, sept furent dangereusement blessés. Ce combat ne manqua point d’attirer un grand nombre de spectateurs, entre lesquels le prince tartare accourut lui-même. Il fit saisir les Portugais, et leur ayant fait donner sur-le-champ trente coups de fouet qui furent plus sanglans que toutes leurs blessures, il ordonna qu’ils fussent enfermés dans un cachot souterrain, où ils demeurèrent chargés de chaînes l’espace de quarante-six jours. Rien ne leur fut plus sensible que les reproches qu’on leur fit essuyer. On leur répétait continuellement « qu’ils étaient sans crainte et sans connaissance du