Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/167

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prochés à la portée de la voix, et ne voyant personne qui se présentât pour nous répondre, nous y envoyâmes une chaloupe avec ordre d’employer la force. Elle n’eut pas de peine à remorquer une très-petite barque qui paraissait abandonnée aux flots. Nous y trouvâmes cinq Portugais ; deux morts et trois vivans, avec un coffre et trois sacs remplis de tangues et de larins, qui sont des monnaies d’argent du pays, un paquet de tasses et d’aiguières d’argent, et deux grands bassins de même métal. Après avoir pris un état de toutes ces richesses, et les avoir déposées entre les mains du nécoda, je fis passer les trois Portugais dans la jonque ; mais, quoiqu’ils eussent la force de monter à bord et de recevoir mes bons traitemens, je les gardai deux jours entiers sans en pouvoir tirer un seul mot. Enfin, la bonté des alimens les ayant fait sortir de cette espèce de stupidité, ils se trouvèrent en état de m’expliquer la cause de cet accident. L’un était Christophe Doria, qui fut nommé dans la suite au gouvernement de San-Thomé ; un autre se nommait Louis Taborda, et le troisième Simon de Brito, tous gens d’honneur ; et connus par le succès de leur commerce, qui étaient partis de Goa dans le vaisseau de Georges Manhez pour se rendre au port de Chatigam. Ils s’étaient perdus au banc de Rakan par la négligence de la garde. De quatre-vingt-trois personnes qui étaient à bord, dix-sept s’étaient jetées dans une petite barque. Ils