Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/320

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beaucoup plus sévère qu’en Portugal, et brûle fort souvent des Juifs que les Portugais appellent christianos novos, qui veut dire, nouveaux chrétiens. Quand ils sont une fois pris par la justice de la sainte inquisition, tous leurs biens sont saisis aussi, et ils n’en prennent guère qui ne soient riches. Le roi fournit à tous les frais de cette justice, si les parties n’ont de quoi ; mais ils ne les attaquent ordinairement que quand ils savent qu’ils ont amassé beaucoup de biens. C’est la plus cruelle et impitoyable chose du monde que cette justice, car le moindre soupçon et la moindre parole, soit d’un enfant, soit d’un esclave qui veut faire déplaisir à son maître, font aussitôt prendre un homme, et ajouter foi à un enfant, pourvu qu’il sache parler. Tantôt on les accuse de mettre des crucifix dans les coussins sur quoi ils s’asseyent et s’agenouillent ; tantôt qu’ils fouettent des images et ne mangent point de lard ; enfin qu’ils observent encore leur ancienne loi, bien qu’ils fassent publiquement les œuvres de bons chrétiens. Je crois véritablement que le plus souvent ils leur font accroire ce qu’ils veulent, car ils ne font mourir que les riches et aux pauvres ils donnent seulement quelque pénitence. Et ce qui est plus cruel et méchant, c’est qu’un homme qui voudra mal à un autre, pour se venger, l’accusera de ce crime ; et étant pris, il n’y a ami qui ose parler pour lui, ni le visiter ou s’entremettre pour lui, non plus que pour les criminels de