Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/353

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donner au hasard. Delan, plein de confiance en ses propres lumières, ne balança point à se laisser conduire dans une chambre du palais par deux ou trois eunuques. Quatre vieilles femmes l’y vinrent prendre pour le mener au bain, où, l’ayant déshabillé et bien lavé, elles lui parfumèrent tout le corps, particulièrement les mains. Elles lui firent prendre une robe à la mode du pays ; ensuite l’ayant mené devant le roi, elles apportèrent quatre petits plats d’or, que les médecins firent peser. Il fut averti encore qu’il devait se garder sur sa tête de passer les bornes de leur ordonnance ; il saigna le roi avec tant de bonheur ou d’adresse, qu’en pesant le sang avec les plats, on trouva qu’il n’en avait tiré que huit onces. Cette justesse, et la légèreté de sa main, passèrent pour des prodiges de l’art. Le monarque en fut si satisfait, qu’il lui fit donner sur-le-champ trois cents pagodes, c’est-à-dire environ sept cents écus. La jeune reine et la mère-reine voulurent aussi qu’il leur tirât du sang. Tavernier, qui ne s’arrête à ce récit que pour faire connaître à nos chirurgiens ce qu’ils peuvent espérer aux Indes, s’imagine que la curiosité de le voir avait plus de part à cet empressement que le besoin de se faire saigner. C’était, dit-il, un jeune homme des mieux faits, et jamais ces deux princesses n’avaient vu un étranger de si près. Delan fut conduit dans une chambre magnifique, où les femmes qui l’avaient préparé à saigner le roi