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bale, d’un hautbois et de quelques petits tambours. Elles avaient dansé deux heures, lorsque le gouverneur demanda une autre troupe de danseuses. On vint lui dire qu’elles étaient malades, et qu’elles ne pouvaient danser ce jour-là. Il renouvela le même ordre, auquel il ajouta celui de les amener dans l’état où elles étaient ; et ses gens répétant la même excuse, il tourna son ressentiment contre eux. Ces malheureux, qui craignaient la bastonnade, se jetèrent à ses pieds, et lui avouèrent que les danseuses n’étaient pas malades ; mais qu’étant employées dans un autre lieu, elles refusaient de venir, parce qu’elles savaient que le gouverneur ne les paierait point. Il en rit. Cependant il les fit amener sur-le-champ par un détachement de ses gardes ; et lorsqu’elles furent entrées dans la salle, il ordonna qu’on leur tranchât la tête. Elles demandèrent la vie avec des pleurs et des cris épouvantables ; mais il voulut être obéi ; et l’exécution se fit aux yeux de toute l’assemblée, sans que les seigneurs osassent intercéder pour ces infortunées, qui étaient au nombre de huit.

Cet étrange spectacle causa beaucoup d’étonnement aux étrangers. Le gouverneur s’en aperçut, se mit à rire, et leur dit : « Pourquoi cette surprise, messieurs ? Si j’en usais autrement, je ne serais bientôt plus maître dans Amedabad. Il faut prévenir par la crainte le mépris qu’on ferait de mon autorité. » Ainsi les despotes se rendent justice. Ils avouent qu’ils