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pour voyager dans les Indes, sans compter que par la faveur du nabab il était sûr d’obtenir tous les jours un pain frais et de l’eau du Gange, dont ces seigneurs de la cour mènent plusieurs chameaux chargés. Ceux qui sont réduits à manger du pain des marchés, qui est fort mal cuit, et à boire de l’eau telle qu’on en rencontre, mêlée de toutes sortes d’ordures que les hommes et les animaux y laissent, sont exposés à des maladies dangereuses, qui produisent même une espèce de vers aux jambes. Ces vers y causent d’abord une grande inflammation accompagnée de fièvre. Quoiqu’ils sortent ordinairement à la fin du voyage, il s’en trouve aussi qui demeurent plus d’un an dans la plaie. Leur grosseur est celle d’une chanterelle de violon ; de sorte qu’on les prendrait moins pour des vers que pour quelques nerfs. On s’en délivre comme en Afrique, en les roulant autour d’un petit morceau de bois gros comme une épingle, et les tirant de jour en jour avec beaucoup de précaution, pour éviter de les rompre.

Quoiqu’on ne compte pas plus de quinze ou seize journées de Delhy à Lahor, c’est-à-dire cent vingt de nos lieues, l’empereur employa près de deux mois à faire cette route. À la vérité il s’écartait souvent du grand chemin avec une partie de l’armée pour se procurer plus facilement le plaisir de la chasse, et pour la commodité de l’eau. Lorsque ce prince est en marche, il a toujours deux camps ou deux