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D’autres informations ne laissèrent aucun doute à Bernier que le pays de Cachemire ne touchât au petit Thibet. Quelques années auparavant, les divisions de la famille royale du petit Thibet avaient porté un des prétendans à la couronne à demander secrètement le secours du gouverneur de Cachemire, qui, par l’ordre de Schah-Djehan, l’avait établi dans cet état, à condition de payer au Mogol un tribut annuel en cristal, en musc et en laines. Ce roitelet ne put se dispenser de venir rendre son hommage à Aureng-Zeb pendant que la cour était à Cachemire ; et Danech-Mend, curieux de l’entretenir , lui donna un jour à dîner. Bernier lui entendit raconter que, du côté de l’orient, son pays confinait avec le grand Thibet ; qu’il pouvait avoir trente à quarante lieues de largeur, qu’à l’exception d’un peu de cristal, de musc et de laine, il était fort pauvre ; qu’il n’y avait point de mines d’or, comme on le publiait ; mais que, dans quelques parties, il produisait de fort bons fruits, surtout d’excellens melons ; que les neiges y rendaient l’hiver fort long et fort rude ; enfin que le peuple, autrefois idolâtre, avait embrassé la secte persane du mahométisme. Le roi du petit Thibet avait un si misérable cortége, que Bernier ne l’aurait jamais pris pour un souverain.

Il y avait alors dix-sept ou dix-huit ans que Schah-Djehan avait entrepris d’étendre ses conquêtes dans le grand Thibet, à l’exemple