Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 6.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

savait la langue du Thibet, et qui lui servit d’interprète. Il feignit de vouloir acheter quelques étoffes que le médecin avait apportées pour les vendre, et sous ce prétexte il lui fit diverses questions dont il tira peu d’éclaircissement. Il en recueillit néanmoins que le royaume du grand Thibet était un misérable pays, couvert de neige pendant cinq mois de l’année, et que le roi de Lassa était souvent en guerre avec les Tartares : mais il ne put savoir de quels Tartares il était question.

Il n’y avait pas vingt ans, suivant le témoignage de tous les Cachemiriens, qu’on voyait partir chaque année de leur pays plusieurs caravanes, qui, traversant toutes ces montagnes du grand Thibet, pénétraient dans la Tartarie, et se rendaient, dans l’espace d’environ trois mois, au Cathay, malgré la difficulté des passages, surtout de plusieurs torrens très-rapides qu’il fallait traverser sur des cordes tendues d’un rocher à l’autre. Elles rapportaient du musc, du bois de Chine, de la rhubarbe et du mamiron, petite racine excellente pour les yeux. En repassant par le grand Thibet, elles se chargeaient aussi des marchandises du pays, c’est-à-dire de musc, de cristal et de jachen, mais surtout de quantité de laines très-fines ; les unes de brebis, les autres qui se nomment touz, et qui approchent plutôt, comme on l’a déjà remarqué, du poil de castor que de la laine. Depuis l’entreprise de Schah-Djehan, le roi du Thibet avait fermé ce chemin,