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bue la connaissance de ce qui peut être agréable à cet esprit, sert à diriger leur superstition. Ils commencent par un festin, qui est accompagné de danses et de musique ; ensuite quelques-uns courent le matin par les rues, portant du riz dans une main, et dans l’autre un flambeau. Ils crient de toute leur force qu’ils cherchent le mauvais esprit pour lui offrir sa nourriture, afin qu’il ne leur nuise point pendant le jour. D’autres jettent par-dessus leurs épaules quelques alimens qu’ils lui consacrent. La crainte qu’ils ont de son pouvoir est si continuelle et si vive, que, s’ils voient un homme masqué, ils prennent la fuite avec toutes les marques d’une extrême agitation, dans l’idée que c’est ce redoutable maître qui sort de l’enfer pour les tourmenter. Dans la ville de Tavay, l’usage des habitans est de remplir leurs maisons de vivres au commencement de l’année, et de les laisser exposés pendant trois mois, pour engager leur tyran, par le soin qu’ils prennent de le nourrir, à leur accorder du repos pendant le reste de l’année.

Quoique tous les prêtres du pays soient de cette secte, on y voit un ordre de religieux qui portent comme à Siam le nom de talapoins, et qui descendent apparemment des talapoins siamois. Ils sont respectés du peuple ; ils ne vivent que d’aumônes. La vénération qu’on a pour eux est portée si loin, qu’on se fait honneur de boire de l’eau dans laquelle ils ont lavé leurs mains ; ils marchent dans les