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de violence sur un rocher à fleur d’eau, que le gouvernail, de la grosseur d’une poutre, se brisa comme un verre, et que le corps du bâtiment fut porté tout entier par l’effort des courans sur le rocher, où il demeura immobile ; mais si, au lieu de toucher par la poupe, il eût donné par le travers, il était perdu sans ressource avec les passagers.

Dans la province de Fo-kien, où l’on passe de Canton et de Chang-tcheou, on est, durant huit ou dix jours dans un danger continuel de périr. Les chutes d’eau sont continuelles, toujours brisées par mille pointes de rochers qui laissent à peine la largeur nécessaire au passage d’une barque. Ce ne sont que détours, que cascades, que torrens opposés qui s’entrechoquent les uns contre les autres, et qui emportent les bateaux comme un trait. On est toujours à deux pas des écueils, et menacé de se voir précipiter sur l’un en voulant éviter l’autre ; il n’y a au monde que les Chinois capables de surmonter des obstacles de cette nature, et leur adresse même n’empêche pas que les naufrages n’y soient fort communs. Il doit paraître étonnant que toutes les barques n’aient pas le même sort ; quelquefois elles sont en pièces, et tout l’équipage est enseveli misérablement dans les flots avant qu’on ait le temps de se reconnaître : quelquefois aussi, quand on descend les cascades formées par une rivière qui se précipite toute entière, les bateaux, en tombant tout à coup, plongent dans