Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/53

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-45- — Tu as touché le mort, me demanda soudain Marie. — Oui, dis-je. — Avec cette main-là ? — Oui, avec cette main-là. Elle la prit dans les siennes, l'examina curieusement, puis la repoussa avec dégoût. — Voyons, s "écria le fermier sur un ton gai, nous ne sommes pas ici pour nous ennuyer. Cet homme est mort, nous aurons beau songer à lui, nous ne le ressusciterons pas. Il meurt, du reste, des gens tous les jours. Les cimetières en sont pleins... Tout à l'heure, on avait commencé une fable, ajouta-t-il, c'est le moment de l'achever. Puisque nous sommes bien portants, jouissons de la vie car, nous aussi, nous devrons mourir un jour ou l'autre. De nouveau, le vieillard au maigre buste promena sur l'assistance son regard malicieux et dit, après avoir toussoté pendant quelques instants : « Il y avait une fois... Mais, les paroles du fermier ayant impressionné une petite vieille femme, celle-là même qui avait conduit le chapelet, derrière le mort, elle murmura d'une voix faible et tremblante, sans se préoccuper du narrateur : — Dieu veuille que ce soit dans un lit, sans trop de souffrances, au milieu de notre famille, et après avoir reçu les derniers sacrements. Hubert Krains VERS CHANSON DE MENDIANT Le monde est un vieil enfant. Donner à sa main tremblotante Une semblance de raison. Verse\ l'aumône aux mains quêtantes. Le monde est un vieux chambellan Sans apparat de raison. Il chevrote de vieux cantiques, Ce pèlerin sans rémission; L'obole de la raison. Donner au pauvre vieux monde.