Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/82

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—74- LE POSSÉDÉ Ne crois point me tromper par toit calme sourire, Enigme de science et de sérénité, Par la bonté si douce et par la majesté De ton calme visage où Dieu même se mire! Sombre maîtresse au cœur de plomb, aux yeux d'onyx, Qui tends à mes baisers ta bouche empoisonneuse, O Rose de l'Enfer, ô Vénus vénéneuse, Née, en un froid minuit, des flots bourbeux du Styx, Ton manteau violet, ta lourde robe verte, Qui semblent te vêtir de jusquiame en fleur Sous les tulles de deuil qui chantent ta douleur, Tes bijoux'd'améthyste aimantés pour ma perte, Tout l'étrange appareil où se plaît ta beauté Comme un ciel sulfureux où pleure un soir d'automne, Fascine mon cœur fou, qui s'épeure et s'étonne, Et qui sent défaillir toute sa volonté. Tu respires le mal. Ta bouche et ta narine Exhalent avec l'air brûlant de tes poumons Le souffle magnétique et pervers des démons Qui peuplent l'enivrant enfer de ta poitrine. Il pénètre mes os, ce fluide mauvais; Ton âme satanique en mon âme s'infiltre ; Mon cœur boit ta présence impure comme un philtre Et je ne connais plus les dieux que je servais. Des instincts malfaisants la monstrueuse flore, Aux effluves de tes vices contagieux. Dans les marais pourris de mon cœur spongieux Fermente, grouille, monte et s'exalte d'éclore. Et voilà qu'asservi par ton charme fatal, Je suis de tes péchés l'esclave et le complice ; Je deviens le reflet vivant de ta malice Et l'incarnation de ton Verbe infernal.