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Page:La Jeune Belgique, t2, 1883.djvu/12

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NAIS MICOULIN



I


A la saison des fruits, une petite fille brune de peau, avec des cheveux noirs embroussaillés, se présentait chaque mois chez un avoué d’Aix, M. Rostand, tenant une énorme corbeille d’abricots ou de pêches, qu’elle avait peine à porter. Elle restait dans le large vestibule, et toute la famille, prévenue, descendait.

— Ah ! c’est toi, Naïs, disait l’avoué. Tu nous apportes la récolte. Allons, tu es une brave fille… Et le père Micoulin, comment se porte-t-il ?

— Bien, monsieur, répondait la petite en montrant ses dents blanches.

Alors, Mme Rostand la faisait entrer à la cuisine, où elle la questionnait sur les oliviers, les amandiers, les vignes. La grande affaire était de savoir s’il avait plu à l’Estaque, le coin du littoral où les Rostand possédaient leur propriété, la Blancarde, que les Micoulin cultivaient. Il n’y avaient là que quelques douzaines d’amandiers et d’oliviers, mais la question de la pluie n’en restait pas moins capitale, dans ce pays qui meurt de sécheresse.

— Il a tombé des gouttes, disait le plus souvent Naïs ; le raisin aurait bien besoin d’eau pour grossir.

Puis, lorsqu’elle avait donné toutes les nouvelles, elle mangeait un morceau de pain avec quelque reste de viande, et elle repartait pour l’Estaque dans la carriole d’un boucher qui venait à Aix tous les quinze jours. Souvent, elle apportait des coquillages, une langouste, un beau poisson, le père Micoulin pêchant plus encore qu’il ne labourait. Quand elle arrivait pendant les vacances, Frédéric, le fils de l’avoué, descendait quatre à quatre dans la cuisine pour lui annoncer que toute la famille