Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/10

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— Pardon ! je n’aime pas les hôtelleries médiocres, laissez-moi prendre mes renseignements, et ensuite à la guerre comme à la guerre.

D’après le postillon, le château appartenait à un opulent magnat magyar, l’un des plus estimables gentilshommes de la Haute-Hongrie, père de trois filles charmantes, possesseur d’immenses propriétés dans les diverses parties du royaume…

— Camarade, interrompit le vicomte, aurait-il des vignobles dans le voisinage de Tokay ?

— S’il en a !… Les meilleurs.

— Droit au château du magyar, morbleu !… Je réponds de la guérison de notre cher comte. Le Tokay est un nectar, notre futur hôte est un gentilhomme… Et nous allons nous faire noyer, si nous passons une heure de plus dans ces maudits lits de torrents… Allons ! entre l’eau froide et le vin réchauffant, entre la maladie et la santé, nous n’hésitons plus, j’espère…

Béniowski, abattu par la souffrance, n’avait plus la force de répondre.

Vasili, qui galopait à côté de la berline, prit les devants ; et quand les voyageurs s’arrêtèrent enfin dans la cour d’honneur du château des Opales, le noble Casimir Hensky, sa femme, son gendre et ses filles, dont la dernière n’avait pas encore douze ans, vinrent au-devant de leurs futurs hôtes.

Casimir Hensky se félicita de les recevoir dans sa modeste résidence.

— Modeste !… interrompit le vicomte, je vois avec bonheur que les Français ne sont point les seuls qui exagèrent. Vous habitez un castel admirable, M. le magnat, tourelles, créneaux, mâchecoulis, fossés, pont-levis, cour d’honneur ! c’est superbe dans le paysage…

— L’architecture est lourde… « et le style en est vieux ! » répondit le seigneur hongrois en fort bon français.