Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/108

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temps, il sauverait peut-être sa vie. – Franche-Corde et ses camarades avaient-ils succombé ? – Il l’ignorait. Il saigna une gargousse, fit une longue traînée de poudre, et revint sur le bastion encore à temps pour examiner ce qui se passait au dehors.

Le chef de Manambaro disait :

— J’ai laissé Franche-Corde et cinq autres, tous blessés ou mourants, dans les rochers de Fanshère ; il n’y a plus là devant nous qu’un ou deux Français au plus. Leurs canons sont déchargés ; il faut prendre et détruire pour toujours leur citadelle…

La discussion allait recommencer, lorsque Dian Tsérouge décida que deux cents esclaves (oundevous), sacrifiés au premier feu, seraient lancés en avant. Les malheureux nègres poussèrent les hauts cris ; quelques guerriers libres murmurèrent, car ils trouvaient le stratagème indigne d’une nation courageuse ; mais la multitude étouffa leurs murmures en criant :

— Marchez à leur tête, si voulez !

Et, en effet, une centaine de braves noirs voadziris ou sang-mêlés (ondatzis) se précipitèrent sur le fort, entraînant avec eux tous les oundevous d’Anossi.

Les rohandrians et les guerriers libres se disposèrent à les suivre ; une clameur triomphale s’éleva de dix mille poitrines barbares.

Colletti le Napolitain courut de nouveau à la poudrière, et le cadavre du Provençal, abandonné à son propre poids, tomba lourdement sur l’affût.

Le soleil se levait alors au milieu de nuages empourprés et sanglants.

Les nations d’Anossi, saisies d’étonnement, se turent soudain.