Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/165

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— Monsieur de Kerguelen, s’écria Luxeuil, si vous n’étiez mon chef direct… si vous ne commandiez ce vaisseau, je…

— Des menaces ! interrompit le capitaine de vaisseau d’un ton dur et ironique.

— Je parle en subalterne outragé.

— À bord de la Bellone, vous parliez en chef insolent.

— À bord de la Bellone, je commandais… J’étais alors votre ancien de grade… Si j’étais seulement votre collègue aujourd’hui…

— Vous essaieriez de me rendre la leçon que vous avez reçue hier, en plein gaillard d’arrière, de M. le major du Sanglier ?

— Vous l’avez dit, commandant !… répondit le baron de Luxeuil pâle de fureur, se contenant à grand’peine, et qui eut, en ce moment, sacrifié toutes ses ambitions pour avoir le droit de mesurer son épée contre celle du capitaine de vaisseau commandant le Roland.

Kerguelen se complut à le torturer encore davantage ; au lieu de l’envoyer aux arrêts, il lui tourna brusquement le dos, laissant toujours l’infortuné Vahis dans la plus cruelle incertitude.

L’équipage du vaisseau se pressait sur le gaillard d’avant ; il y avait foule au pied du grand mât. Les rieurs, de ce côté populaire du bord, approuvaient en souriant la sévère brutalité du vaillant officier breton. Mais l’état-major, composé de gentilshommes, était d’une opinion fort différente. Leur dignité se trouvait blessée par les expressions outrageantes dont Kerguelen s’était servi envers le baron de Luxeuil.

Qu’il fut innocent ou coupable. Qu’il fut intrigant, calomniateur ou pis encore, il était capitaine de frégate dans la marine du roi ; son chef direct ne devait point se permettre de l’avilir en présence des derniers matelots.